Le poulain : apprentissage et socialisation

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Juste après sa naissance, le poulain semble présenter une phase sensible destinée à lui permettre d’apprendre de manière rapide et irréversible ce qu’il a besoin de savoir pour vivre parmi les siens. Le Dr Miller préconise d’utiliser cette phase critique pour “imprégner” le poulain de bonnes manières. Les notions d’imprégnation et d’empreinte ont été découvertes au milieu du XXe siècle par Konrad Lorenz, le père de l’éthologie moderne. Le chercheur autrichien s’est aperçu que les oisons qui naissaient sous ses yeux, en l’absence d’oies adultes, le prenaient pour leur mère et le suivaient partout. Il en a conclu qu’il devait exister une courte période sensible au cours de laquelle le cerveau des poussins “s’initialise”, comme un ordinateur lors de sa première utilisation. Cette théorie de l’imprégnation prévoit que cette période d’apprentissage privilégiée détermine l’identification du bébé animal en tant que membre de sa propre espèce, et détermine également son attachement pour sa mère, ainsi que ses futurs goûts sexuels.

cheval qui digère

 

Chez les oisillons, l’empreinte établit également les caractéristiques du chant. Ainsi, un pinson élevé par des mouettes peut-il se prendre pour une mouette, être attiré sexuellement par les mouettes et pousser le cri de cet oiseau marin, plutôt que celui propre à son espèce…

Une extrapolation parfois hâtive concernant le poulain

Cette notion d’empreinte a rapidement été extrapolée à l’ensemble des mammifères. Toutefois, les bêtes à poils ne semblent pas tout à fait aussi préprogrammées que celles à plumes. Chez les carnivores par exemple, la période d’imprégnation est bien plus longue et moins précoce que chez les oiseaux. L’empreinte semble également moins irréversible chez les mammifères. En ce qui concerne les chevaux, il semble bien se produire une forme d’imprégnation précoce entre le poulain nouveau-né et sa mère. Hélas, aucune recherche sérieuse n’a jamais été effectuée sur l’imprégnation chez le cheval et l’on ne dispose donc que de notions très empiriques. On suppose que le phénomène d’imprégnation intervient dans les deux à trois premières semaines de vie du poulain.

Un lien fragile pour le poulain

On sait, en revanche, qu’un poulain orphelin élevé au biberon par l’homme, en dehors de tout contact avec les siens, finit par avoir peur des autres chevaux et par leur préférer l’homme. Plus tard, il risque d’avoir des velléités d’accouplement avec des humains ; ce qui est évidemment, éminemment dangereux. On connaît également assez bien le processus qui permet à la poulinière et à son poulain de se reconnaître l’un l’autre. La jument présente, par exemple, une phase hypersensible d’une à deux heures, juste après la mise bas, au cours de laquelle elle s’imprègne de l’odeur de son petit. Si on l’empêche de lécher son nouveau-né pendant cette période, elle risque de le rejeter. La jument reste toutefois relativement réceptive durant trois à quatre jours, dont on peut profiter pour lui faire adopter un poulain orphelin. Après, il est trop tard !

Le poulain, lui, a besoin de deux à trois jours pour apprendre à reconnaître l’odeur de sa mère. Il tente d’ailleurs parfois de téter une autre poulinière qui se charge alors de le repousser vers les “jupes” de sa mère. Il lui faut également plusieurs jours pour reconnaître la voix de sa génitrice parmi d’autres hennissements. La reconnaissance visuelle est probablement la dernière à se mettre en place.

C’est également au cours de ses premières semaines de vie que le poulain apprend à différencier les plantes toxiques de celles qui sont bonnes pour lui. Il est donc très important que le bébé cheval vive au pré, avec sa maman.

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Devenir expert du poulain : La méthode Miller

Est-il possible d’utiliser cette phase sensible qu’est la période d’imprégnation pour inculquer de manière ultrarapide et si possible irréversible, quelques notions de bonne éducation à nos futures montures ? Le vétérinaire américain, Robert Miller a pris le pari de répondre “oui” à cette question. Il a développé une méthode de manipulation des poulains nouveau-nés destinée à les imprégner (les familiariser avec l’homme), les désensibiliser à divers stimuli effrayants et à leur inculquer quelques réflexes conditionnés précoces. Afin que le foal développe des liens solides avec l’homme, le Dr Miller préconise une manipulation extrêmement précoce, avant que le poulain ne se lève. Il est toutefois essentiel de laisser le temps à la poulinière de lécher son poulain, afin qu’elle s’attache à lui. Ensuite seulement, on peut entreprendre de caresser le nouveau-né, de lui souffler dans les naseaux, etc., dans l’espoir de développer un lien avec lui.

Mais le Dr Miller va beaucoup plus loin. Il commence à désensibiliser le poulain, avant que celui-ci n’ait pu téter. Le principe consiste à maintenir le bébé au sol et à lui imposer un certain nombre de manipulations jusqu’à ce qu’il les accepte sans se débattre. Il est capital de ne jamais cesser les stimulations tant que le foal se débat sinon, il apprendra pour la vie, qu’il peut se soustraire à la volonté de l’homme. Le praticien doit donc être suffisamment fort pour immobiliser le poulain et suffisamment déterminé pour répéter les stimulations parfois près de 100 fois, jusqu’à acceptation totale.

Voici la liste (non exhaustive) des stimuli auxquels peut être soumis le poulain:

  • manipulation des oreilles et des naseaux ;
  • prise et flexion des quatre pieds ;
  • mise d’un doigt sur les barres pour simuler le mors;
  • enserrement du thorax, pour simuler une sangle ;
  • caresse avec un morceau de plastique au froissement bruyant;
  • exposition au bruit et aux vibrations d’une tondeuse ;
  • exposition au bruit d’un vaporisateur, etc.

Au cours de cette première séance musclée, Robert Miller conseille tout de même de laisser la mère regarder, renifler et lécher son poulain comme elle le désire. Il n’est, bien entendu, pas question d’isoler le nouveau-né !

Après environ une demi-heure d’interaction, il faut laisser le foal se lever et boire sa première gorgée de lait (le colostrum), si importante pour lui.

Une seconde cession de quinze minutes intervient après la première tétée, alors que le poulain est debout. Le Dr Miller le désensibilise alors au passage de la sangle, il l’enfourche (sans prendre appui sur son dos) pour le familiariser aux jambes du cavalier, il lui apprend à avancer en réponse à une petite claque sur la croupe, il lui donne des rudiments de leçon de jambe isolée, etc.

Le jour suivant, le vétérinaire réitère ses caresses d’imprégnation, ses manœuvres de désensibilisation et ses leçons précoces. Il met ensuite l’accent sur les exercices de sensibilisation destinés à lui apprendre à marcher au licol, à avancer, à reculer et à pivoter à la commande… Une fois le foal entraîné à marcher au licol, on lui apprend à rester à l’attache quelques instants. Au cours de sa première semaine de vie, le poulain apprendra ensuite à monter dans un van, à suivre sa mère montée à la turkmène, à accepter le tournoiement du lasso du cow-boy ou à sauter quelques barres colorées. Il pourra ensuite être laissé tranquille, au pré avec sa mère.

Des séances de renforcement sont souhaitables une ou deux fois par an, jusqu’au débourrage du poulain.

Bien appliquée, cette méthode produit des poulains très gentils et très obéissants. Elle est néanmoins vivement critiquée par les éthologues de profession qui lui reprochent de risquer de perturber le processus d’attachement entre le poulain et sa mère.

Il est donc clair que cette méthode doit être réservée à des hommes de chevaux expérimentés et dotés d’une force certaine. Pratiquées par des éleveurs professionnels ces techniques peuvent être très efficaces. En revanche, appliquées par des particuliers inexpérimentés, elles peuvent s’avérer dangereuses et nuisibles.

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